Agroécologie en RDC :
L’agroforesterie comme avenir durable.

De la monoculture à la transition agroécologique en République démocratique du Congo.

Autrefois, en République démocratique du Congo, l’agriculture reposait essentiellement sur la monoculture. Dans de nombreuses régions rurales, les paysans se consacraient à une seule culture : le riz, l’arachide, le maïs ou le manioc. Cette pratique, bien qu’ancrée dans les traditions, provenait d’un modèle de production de subsistance, hérité des générations passées. Les familles cultivaient principalement pour se nourrir, sans véritable perspective de commercialisation ni de gestion durable des terres.

Parmi les méthodes dominantes figurait l’agriculture sur brûlis, consistant à défricher et brûler les champs pour fertiliser temporairement le sol avant de passer à une nouvelle parcelle. Si cette technique permettait autrefois de régénérer les sols grâce à la faible densité de population, elle est aujourd’hui devenue un facteur majeur de dégradation environnementale. L’épuisement rapide des terres, la perte de la biodiversité et la réduction des rendements ont plongé de nombreuses communautés dans un cercle vicieux de pauvreté et d’insécurité alimentaire.

Face à cette réalité, une prise de conscience s’est progressivement opérée. De nouvelles approches agricoles, plus respectueuses de la nature et des cycles écologiques, se développent à travers le pays. L’agroécologie, en particulier, s’impose comme une alternative prometteuse. Elle encourage la diversification des cultures, l’utilisation d’engrais naturels, la protection des sols et la valorisation des savoirs locaux.

Cette transition marque une rupture avec les pratiques du passé. Elle redonne espoir aux producteurs congolais en leur permettant de produire mieux, tout en préservant la terre pour les générations futures. L’agriculture n’est plus seulement un moyen de survie, mais un levier de développement durable, de dignité et de souveraineté alimentaire pour la République démocratique du Congo.

Initiative pour l’agroécologie.

De l’Ouest à l’Est de la République démocratique du Congo, une véritable « révolution verte » est en train de s’éveiller. La Confédération Nationale des Producteurs Agricoles du Congo (CONAPAC) mobilise aujourd’hui ses 18 fédérations et plus de 12 896 organisations paysannes de base pour renforcer la prise de conscience et, surtout, encourager la mise en pratique concrète de l’agroécologie.

Ce mouvement n’est plus une simple idée : il devient un passage obligé pour transformer durablement les systèmes de production, redonner de la valeur aux savoirs locaux et préparer un avenir agricole plus résilient, plus autonome et plus respectueux des écosystèmes.

CONAPAC : FEPASU et UPDEKIS au front de la guerre pour l’agroécologie.

UPDKIS (Union des Paysans de Kisangani), faîtière de la province de la Tshopo, située au nord-est de la République démocratique du Congo et membre de la CONAPAC, regroupe près de 12 900 producteurs agricoles. L’organisation s’emploie activement à sensibiliser les paysans à la pratique d’une agriculture durable.

Kitenge Tambwe Emmanuel, producteur agricole et membre de la coopérative Elikya, l’une des unions constitutives d’UPDEKIS est installé à PK35, à 35 kilomètres de Kisangani, capitale provinciale. Il fait partie de ceux qui prennent conscience de la dégradation de la forêt équatoriale, notamment causée par l’agriculture sur brûlis qu’il a longtemps pratiquée. Aujourd’hui, il a décidé d’opérer une transition vers l’agroforesterie.

L’agroforesterie est un mode de production agricole qui consiste à intégrer des arbres et des arbustes aux cultures vivrières ou de rente sur une même parcelle, de manière à créer des interactions bénéfiques pour le sol, la biodiversité et les rendements.

Désormais, sur une seule parcelle, les producteurs associent cacao, café, palmiers, ananas et arbres fruitiers.

Le Sud-Ubangi : la force collective de la FEPASU.

La Fédération des producteurs agricoles du Sud-Ubangi (FEPASU) réunit un large réseau d’organisations paysannes, d’unions et de coopératives engagées dans la transformation des pratiques agricoles locales. Au sein de cette dynamique, la Coopérative des Agris Multiplicateurs du Sud-Ubangi (CAMSUB) joue un rôle central. Ici, les producteurs misent sur une agroforesterie qui mêle cultures vivrières, maïs, arachides, riz, haricots, soja, sorgho  et cultures pérennes comme le cacao, le café ou le palmier à huile.

Sur le terrain, cette stratégie répond à une double exigence : produire davantage tout en préservant les écosystèmes. Dans plusieurs villages, la coopérative s’illustre par des campagnes de reboisement. Arbres à croissance rapide, agrumes, fruitiers : chaque espèce plantée contribue à restaurer la fertilité des sols et à freiner une déforestation qui grignote, année après année, les terres agricoles du Sud-Ubangi.

Noël Bamupalabe, président du Conseil d’administration de la CAMSUB, dans la plantation de sa coopérative. Gemena (Sud-Ubangi). © Humundi

L’approche agroécologique de la CAMSUB repose également sur la production de compost et d’engrais verts, deux outils essentiels pour revitaliser des sols fortement appauvris. Ces techniques, encore méconnues il y a quelques années, font aujourd’hui l’objet d’une large sensibilisation au sein de la coopérative.

🎤 « Nous fabriquons du compost et des engrais verts pour fertiliser les sols. Et nous informons nos membres sur les dangers de l’épuisement des terres ainsi que sur les bénéfices de l’agroforesterie », explique Noël Bamupalabe, président du Conseil d’administration de la CAMSUB.

La pratique de l’agroécologie.

Derrière les mots : agroforesterie, compost, engrais verts, une véritable révolution silencieuse est en marche. L’agroforesterie permet d’associer arbres, cultures vivrières et plantes pérennes pour restaurer la fertilité des terres. Le compost et les engrais verts, fabriqués localement à partir de résidus organiques, remplacent peu à peu les intrants chimiques devenus coûteux et inefficaces sur des sols dégradés.

Ces pratiques, encore marginales il y a quelques années, ouvrent aujourd’hui la voie à une agriculture qui nourrit, protège la terre et garantit des revenus plus stables aux familles rurales. Elles illustrent surtout une prise de conscience grandissante : la durabilité agricole n’est plus un slogan, mais une nécessité pour assurer l’avenir alimentaire du pays.

Kinshasa : compost et engrais verts, le pari de SCOOPAELI.

Femmes maraîchères du Centre Agroécologique de Kinshasa, lors d’un atelier de fabrication de pesticides biologiques. © Humundi

Kinshasa, la coopérative SCOPAELI (Société Coopérative Agricole Elikya), appuyée par Caritas, s’impose aujourd’hui comme l’un des acteurs moteurs de la transition agroécologique urbaine. Dans son centre de formation, les membres apprennent à fabriquer du compost et des engrais verts, deux techniques simples mais déterminantes pour restaurer des sols appauvris par des années de pratique agricole intensive.

Ces méthodes, entièrement naturelles, offrent une alternative solide aux pesticides et fertilisants chimiques devenus coûteux et souvent néfastes pour l’environnement. Leur impact se mesure déjà sur le terrain :

  • Moins de pollution ;
  • Des sols régénérés ;
  • Des récoltes plus saines et de meilleure qualité.

Au cœur de ce dispositif se trouve le Centre Agroécologie LIZIBA, une initiative de Caritas Kinshasa créée pour accompagner et former les maraîchers engagés dans cette transformation.

🎤 « Le Centre agroécologique LIZIBA a été créé par Caritas Kinshasa pour promouvoir les pratiques agroécologiques auprès des maraîchers de la coopérative, que nous accompagnons depuis près de dix ans », explique Justin Kukule, gestionnaire du Centre Agroécologie LIZIBA.

Les défis de l'agroécologie en RDC.

En République démocratique du Congo, les défis auxquels fait face l’agriculture ou plus largement l’agroécologie restent considérables. Héritées d’un modèle de subsistance, des pratiques comme la monoculture, l’agriculture sur brûlis et l’exploitation non planifiée des terres ont contribué à l’épuisement accéléré des sols. Dans de nombreuses provinces, la fertilité naturelle recule, les rendements chutent et la pression démographique accentue la déforestation, plongeant les communautés rurales dans un cycle de pauvreté et d’insécurité alimentaire.

À ces contraintes environnementales s’ajoutent des limites structurelles : manque d’intrants accessibles, faible accompagnement technique, absence de mécanisation, routes délabrées, et une quasi-absence de politiques publiques cohérentes en matière agricole. Dans ce contexte, la RDC se trouve face à un paradoxe : un pays doté d’un potentiel agricole immense, mais freiné par un modèle de production à bout de souffle.

Les perspectives de l’agroécologie en RDC.

Face à ces défis, l’agroécologie s’impose progressivement comme une voie crédible et porteuse d’avenir. De la Tshopo au Sud-Ubangi, en passant par Kinshasa, des coopératives et fédérations agricoles à l’image de la CONAPAC, de FEPASU, d’UPDEKIS ou encore de SCOPAELI expérimentent des solutions qui réhabilitent les sols et redonnent une dynamique aux systèmes de production. L’agroforesterie, par exemple, permet de combiner arbres, cultures vivrières et pérennes sur une même parcelle, favorisant l’ombre, l’humidité, la biodiversité et des revenus diversifiés.

Le compost et les engrais verts, produits localement, revitalisant des sols longtemps dégradés par le sur brûlis. Ces pratiques, qui n’étaient autrefois perçues que comme des méthodes alternatives, deviennent aujourd’hui un véritable moteur de transformation agricole. Elles offrent une perspective durable, résiliente et accessible, en redonnant aux producteurs la capacité de nourrir leurs communautés tout en préservant leur environnement.

Appel au soutien des partenaires techniques, financiers et de l’État.

Pour que cette transition agroécologique se consolide et change réellement l’avenir alimentaire de la RDC, un engagement accru des partenaires techniques, financiers et des institutions publiques est indispensable. Les initiatives portées par les organisations paysannes montrent un potentiel immense, mais elles demeurent fragiles si elles ne sont pas accompagnées par des investissements durables : formations, équipements, appui aux coopératives, infrastructures rurales, recherche agronomique, et politiques publiques favorables.

Les partenaires au développement, les ONG spécialisées et l’État congolais ont un rôle clé à jouer pour renforcer ces dynamiques locales et amplifier leur impact. Soutenir l’agroécologie, ce n’est pas seulement appuyer des producteurs : c’est contribuer à la lutte contre la pauvreté, à la protection des forêts du Bassin du Congo et à la construction d’un modèle agricole plus juste, plus résilient et plus souverain pour tout le pays.

Palmeraies au PK35, dans la province de la Tshopo. La filière du palmier à huile y est largement développée en raison de son importance économique pour les producteurs membres de l’UPDKIS et de sa forte consommation locale. © Humundi

Pour comprendre le projet PROMAGRISAD, regardez le film « Sous les palmeraies et les cacaoyers, la vie pousse » dans son intégralité.

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